Lausanne Matin, October 25, 2018

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Musique

«PARFOIS, TU NE PEUX PAS ÉCHAPPER À TA GUEULE ET À TA VOIX»


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   Miguel Cid

A peine remis d’un cancer, Elvis Costello publie un superbe album au parfum de comédie musicale. Rencontre avec le rocker éclectique.

Il a été contraint d’annuler la fin de sa tournée estivale pour récupérer de l’ablation d’une tumeur cancéreuse. Mais Elvis Costello ne souhaite pas s’attarder sur le sujet lorsqu’il nous reçoit dans la suite d’un hôtel londonien pour évoquer son somptueux nouvel album, « Look Now », réalisé avec son groupe de longue date, The Imposters.

L’éclectique rocker anglais, 41 ans de carrière au compteur, est au sommet de sa forme dans ce disque mélancolique au parfum de comédie musicale où il enchaîne mélodies divines et arrangements luxuriants. Pas de de doute, le songwriter de 64 ans n’a rien à envier ici à Burt Bacharach qui cosigne trois chansons avec lui. Il nous parle de cet opus et sa carrière avec sa verve et son humour habituels.

Tout en saluant votre nouveau disque, le magazine GQ vous reproche de ne pas avoir su vous adresser à votre public ces dix dernières années et d’avoir voulu vous distancer de votre passé. C’est un compliment équivoque…

Extrêmement et si particulièrement anglais ! Je n’essaie pas de me distancer de qui que ce soit. Je ne me suis pas distancé des nombreux concerts que nous avons remplis même si chaque show n’est pas complet. On ne joue jamais devant un nombre insignifiant de spectateurs. Le dernier concert que nous avons donné l’été dernier, même après avoir décidé que j’avais besoin de plus de repos pour me remettre de l’opération que j’avais subie, s’est déroulé devant 7000 personnes. On peut difficilement dire que je me distancie de mon public. Je m’adresse à mon public tous les soirs, en jouant de tout ce que j’ai à disposition, de toutes nouvelles chansons que je n’ai même pas encore enregistrées aujourd’hui et des titres de mon catalogue. On pourrait penser que l’objectif de tout songwriter est d’avoir une chanson qui soit sollicitée 40 ans après l’avoir composée. Je ne savais pas que cela allait arriver mais c’est le cas. Il y a des chansons que les gens veulent entendre ou ont l’air de vouloir entendre. Ils réagissent comme si c’était génial quand j’interprète ces vieux titres mais ces chansons ne me définissent pas entièrement. Je ne pense pas que tout cela signifie que je n’ai pas réussi à m’adresser à mon public. Je m’adresse à lui tous les soirs. C’est juste une idée facile qu’un journaliste a écrit parce que ça sonne bien dans son article. Ce n’est pas la vérité.

Il faut dire que vous avez un rapport compliqué avec votre public anglais, différent de celui que vous entretenez avec le reste du monde.

Je pense que cela est peut-être dû au fait que j’ai été une légitime pop star pendant deux ou trois ans. Chaque disque que nous avons publié entre 1977 et début 80 est entré dans les charts. Donc tout est mesuré par rapport à ça. Et quand tout ce qui comptait, c’était qu’un single passe à la radio et se retrouve dans les charts, inévitablement tout ce qui n’atteignait pas cet objectif était considéré comme un échec. Mais pas vraiment pour moi. Une fois que j’ai réalisé que je faisais en fait quelque chose de différent, que je suivais ce que je ressentais par rapport à la musique et même différents types de musique, j’ai dû accepter que certaines personnes n’allaient pas vouloir me suivre. J’aurais trouvé beaucoup plus pathétique de continuer à essayer de rappeler aux gens mes premiers succès en réalisant de pâles et mauvaises copies de ces premiers disques. Parfois, tu ne peux pas échapper à ta gueule et à ta voix. Tu peux essayer différentes choses, apprendre de nouveaux trucs et travailler avec de nouveaux acolytes, qu’ils soient musiciens ou songwriters, et ces expériences incroyables se sont présentées à moi avec le temps. Mais je n’aurais pu planifier rien de tout ça. Comment aurais-je su que j’allais recevoir un jour une invitation pour composer avec Paul McCartney? Cela m’aurait semblé complètement fantaisiste.

Vous avez collaboré avec McCartney à la fin des années 1980. J’ai lu que vous l’entendiez hurler dans votre tête encore aujourd’hui.

C’est lui qui m’entend hurler dans sa tête apparemment, d’après l’article paru dans le journal d’hier. Moi, je l’entends chanter gentiment dans ma tête. Il fredonne doucement pour moi, lors d’occasions spéciales !

Vous avez composé trois chansons de l’album avec votre ami Burt Bacharach. Parlez-nous de votre relation spéciale qui a commencé il y a 20 ans…

25 ans, en fait. J’avais écrit le titre « Unwanted Number » pour un film intitulé « Grace of My Heart » Le réalisateur du film et le superviseur de la bande originale m’ont ensuite demandé si je voulais composer un titre avec Burt Bacharach. Je n’en revenais pas. Nous avons écrit « God Give Me Strength » et je savais que cette chanson était trop bonne pour qu’on s’arrête là. Nous avons fini par réaliser l’album « Painted From Memory » en 1998. Il y a environ dix ans, on nous a proposé de transformer ce répertoire en comédie musicale et on a recommencé à écrire des chansons ensemble. Les chansons de « Painted From Memory » sont assez mélancoliques et lentes, tout comme la plupart des titres que nous avons composés pour la suite de l’histoire. Pas étonnant que personne ne danse des claquettes sur ces morceaux à Broadway actuellement ! Il y a deux ans, j’ai dit à Burt : « Je ne pense pas que le public entendra ces chansons à moins que l’un de nous deux les enregistre. Et si je les enregistrais, ou tout du moins quelques-unes ? » Ensuite, j’ai commencé à réfléchir aux autres chansons que j’avais sous la main et à celles que je devrais composer. Avec ce disque, on oublie l’histoire du spectacle qui avait été écrite par d’autres personnes et il nous reste juste le récit contenu dans une chanson de 3 ou 4 minutes. Evidemment, je connais les scènes durant lesquelles ces chansons sont supposées se dérouler mais l’auditeur ne les connaît pas et ça n’a pas d’importance. Ce qui importe, c’est ce que tu ressens quand on tu entends ces chansons. Et c’est toujours comme ça que je souhaitais qu’elles fonctionnent, du point de vue des textes en tout cas. Je me suis dit qu’il était très important que les chansons puissent être indépendantes les unes des autres.

Le narrateur de « He’s Given Me Things » et « Photographs Can Lie » est une femme…

C’est le cas dans un bon nombre des chansons de l’album…

Maintenant que vous m’expliquez l’origine des chansons, je comprends mieux.

Vous ne vous étiez pas imaginé ça, non. Mais je pense que même dans la musique folk on chante souvent sans faire référence au sexe du narrateur. A mes yeux, cela n’est pas une déclaration d’intention. Je me glisse simplement dans la peau de quelqu’un d’autre. Si j’ai envie de m’imaginer pilote d’avion dans une chanson, je peux. Je ne peux pas piloter un avion mais je pourrais imaginer cette histoire, non ? Et je pense savoir que bon nombre des choses qu’évoquent ces chansons sont vraies. Il se trouve juste qu’elles sont des témoignages. « Photographs Can Lie » raconte la désillusion d’une fille envers son père parce qu’elle sait qu’il a trompé sa mère. Il a été une figure héroïque à ses yeux et maintenant elle est désenchantée. C’est une idée simple et il pourrait aussi s’agir d’un père et d’un fils. Il se trouve que c’est un père et une fille qui me sont venus à l’esprit parce que cela me semblait plus tragique ainsi. Le protagoniste de « Stripping Paper » est une femme qui a été trahie par son mari et est si en colère qu’elle commence à arracher la tapisserie des murs, découvrant ainsi l’histoire de son couple dans la décoration de la maison. C’est une image étrange. Je n’ai aucune idée d’où elle vient. Je n’ai jamais écrit auparavant une chanson qui parle de décoration intérieure ! Les textes semblent dingues mais avec la musique que j’ai composée, ça fonctionne. J’essaie de créer une image avec la musique, littéralement d’évoquer l’espace où se déroule l’histoire. Idem avec « Under Lime ». C’est une histoire très compliquée avec différents points de vue d’un échange pas très agréable entre une jeune femme et un homme plus âgé. Mais la musique qu’on entend semble très joyeuse parce que c’est la chanson d’une émission télévisée dans laquelle le personnage de Jimmy apparaît. Donc la musique est probablement gaie pour une chanson qui est réellement assez sinistre par moments.

J’ai été intrigué par les textes de « I Let The Sun Go Down ». Je me suis demandé si c’est une chanson interprétée du point de vue d’un partisan du Brexit quand vous chantez : « Je suis l’homme qui a perdu l’Empire britannique ».

J’ai imaginé qu’elle se déroulait à une époque complètement différente de l’Histoire. Manifestement, j’étais conscient que quelqu’un pourrait l’interpréter ainsi mais ce n’était pas mon intention. J’ai imaginé que tout ce qu’on idolâtre et n’en vaut pas vraiment la peine pourrait représenter l’empire. L’empire pourrait être l’empire dans « L’Empire contre-attaque » ! Il se trouve que j’en ai fait l’Empire britannique mais imaginez quelqu’un qui travaille quotidiennement à faire quelque chose de vraiment banal, comme de remplir un formulaire, et s’il ne mène pas à bien son boulot le monde entier tel qu’il le connaît va s’écrouler. C’est vraiment de ça dont je parle. De quelqu’un qui croit d’une certaine manière qu’il a été élevé pour penser qu’il a raison. Et ensuite, s’il prenait du recul il verrait que cela ne valait pas toutes ces larmes. C’est tout ce dont il est question. Il s’agit d’une image poignante de quelqu’un qui a une conviction totale en quelque chose qui en fin de compte n’est pas dans son meilleur intérêt.

Il n’y a donc pas de sous-entendu politique dans cette chanson?

Il y en un a si vous le voyez. Mais je n’ai jamais dit qu’une de mes chansons était politique. Elles sont toutes écrites parce que j’ai réagi émotionnellement à des événements. Mais un truc politique signifie généralement qu’on a l’intention de dire aux gens ce qu’ils devraient penser. Je commente quelque chose qui est déjà arrivé et il est possible qu’il y ait un point de vue là-dedans. Je ne dirai pas que certaines de mes chansons n’ont pas un point de vue très précis. Mais je ne suis pas très enclin à créer un slogan facile plutôt que de parler d’un sujet dans sa totalité. Une chanson peut faire partie d’une conversation mais il ne s’agit pas de la conversation toute entière. Ce n’est pas la réponse complète, de ça je suis certain.

« Look Now », dist. Universal Music. Disponible depuis le 12 octobre (Le Matin)

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Le Matin, October 25, 2018


Miguel Cid interviews Elvis Costello about the release of Look Now.

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Elvis Costello a reçu «Le Matin» dans la suite d’un hôtel londonien pour évoquer son somptueux nouvel album, « Look Now », réalisé avec son groupe de longue date, The Imposters.
Photo: Screen capture from YouTube

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