|
C’est un gros sujet qui fâche. Et qui tache. Le traitement de la musique à la télévision en 2010, pour ceux qui la regardent encore laisserait plus ou moins à désirer selon qu’on habite du mauvais côté de la Manche ou de l’Atlantique. Mal placé pour polémiquer puisque peu friand de celles qui tirent soi-disant vers le bas – il n’y a pas de fumée sans feu – on a toujours préfére s’attarder sur les émissions musicales dont le visionnage, sans forcément élever vers la sphères, met de bonne humeur. Oui, les musiciens peuvent être filmés autrement qu’avec une caméra greffée à leur instrument ou un micro enfoncé dans la narine. Oui, certains ont des trucs intelligents à dire en interview, notamment dès qu’on les laisse parler d’autre chose que de leur nouveau disque. Eh oui, la musique (et le rock en particulier) est finalement trop belle et importante, surtout depuis qu’on la prend par tous les orifices, pour être jetée en pâture à des animateurs de télé. Diffusé successivement, depuis 2008, sur CTV (Canada), Channel 4 (Angleterre) et Sundance (USA), Spectacle : Elvis Costello With… est un talk-show musical présenté par l’artiste Elvis Costello, absolument merveilleux et qui cartonne. Preuve que le raisonnement qui consiste à affirmer qu’il faut servir de la crotte aux gens parce qu’elle leur ressemble, est une ineptie. En tant qu’interviewer, Costello a précisé clairement, avant même que débute la série, que son propos n’était pas de tirer les vers du nez de ses invités, mais plutôt qu’en regardant son nombril s’entartrer, l’ex-leader des Attractions – deux de ses anciens musiciens, le claviériste Steve Nieve et le batteur Pete Thomas sont de la partie – est comme un poisson-pilote dans cette eau aux reflets d’argent qui a vu passer, l’espace d’une première saison résumée ici en un somptueux coffret de quatre Blu-ray – elle existe également en cinq DVD – rien moins que sir Elton John, Lou Reed (avec Julian Schnabel), The Police, Rufus Wainwright, Smokey Robinson, James Taylor ou Norah Jones. Bien sûr, la venue de chacun de ces illustres a été prétexte à des échanges verbaux de très haute tenue, menés par un Costello qui n’est pas à l’abri d’une coquille historique (“Rock’n’Roll Animal” n’est pas sorti en 1973 ...) mais n’a pas son pareil pour rebondir lorsqu’il est question de chansons ou de songwriters, et renvoyer la balle à ses interlocuteurs. On s’en doute, le clou du spectacle (sic) réside dans la partie purement musicale de l’émission. Costello l’ouvre généralement avec ses Imposters, en tant qu’interprète de luxe, le temps de reprendre des monuments tels que “Mystery Train”, “Down River” ou “Femme Fatale”, puis partage de bon cœur le microo avec ses invités qui distillent reprises et trésors de leur répertoire au gré de l’humeur du moment. L’émission n’est pas filmée ni réalisée par des sauteurs sur trampoline atteints de colique néphrétique, ce qui veut dire qu’elle est regardable sans effort particulier et, blague dans le coin, ces 650 minutes de programme (non sous-titrés mais en son DTS) passent comme une lettre à poste d’hier. Une perle? Elle roule de la bouche d’Elton John, producteur exécutif de l’émission, qui se remémore cette fois où en tournée, il a frappé à la porte de la loge de l’excentrique Leon Russell, son mentor: “Il était nu, je ne savais plus où regarder. Ou plutôt je savais très bien, mais je n’ai pas osé.”
|
