C’est dans sa nature éternellement contradictoire : Costello fait suivre un album d’une rare cohérence stylistique (le magistral Look Now) d’un curieux objet, tour à tour hirsute et peigné à l’ancienne, et qu’on ne sait trop par quel bout prendre. Une intro orientalisante à voix parlée semble ouvrir un conte (des Mille et Une Nuits ?), puis l’agressif No Flag, prurit quasi punk de ses années sauvages, induit un zigzag qui ne va plus cesser, entre intimisme acoustique et popote New Orleans à trompette, tempo heurté aux accents hip-hop et ballade au piano (celui du fidèle Steve Nieve). À plusieurs reprises, notre Elvis revient à une idée du jazz qu’il a très tôt caressée. Un jazz vocal limpide et vibrant dont Chet Baker était le parangon, ou plus fracturé comme celui dont son complice, le guitariste new-yorkais Bill Frisell, serait l’héritier. Il tourne autour sans vraiment y trouver une place exacte, en dépit de très beaux moments à la Randy Newman — le modèle implicite de ses débuts. Un autre monologue, Radio Is Everything, suggère une méditation sur le thème de l’effacement : « You don’t need to see my face… you don’t need to know my name… » Elvis Costello ne peut pas tricher, son nom et son visage (le clockface du titre est-il le sien ?) nous sont familiers depuis trop longtemps. Quant à sa voix, distincte et friable à jamais, elle est encore le signe d’une versatilité qui du moins le fait avancer, et nous vaut les plus belles réussites de l’album, dont le final mélancolique Byline.
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