Mighty Like a Rose fait semblant de revendiquer son statut poétique, avec, dans le rôle du barde, Elvis Costello, gourou du rock occidental. Mais de la métaphore fleurie, on retiendra surtout les épines d'un disque sombre, à peine civilisé par la complexité des arrangements, la foule des invités, la variété des couleurs et des formats.
Il y a deux ans sortait Spike, Curriculum Vitae d'un artiste protéiforme, compendium presque indigeste à force d'excellence. En plus, Elvis Costello ratait à cette occasion la seule démonstration qu'il lui restait encore à accomplir : celle de sa capacité à vendre des disques par centaines de milliers. Pendant l'enregistrement de Mighty Like a Rose, la presse spécialisée britannique a relaté que Warner, le label de Costello depuis 1989, refusait d'investir autant dans le nouvel album que pour l'enregistrement de Spike.
Du coup, Costello aurait recontacté les Attractions, le groupe qui l'a accompagné jusqu'à Blood and Chocolate. Si l'histoire est vraie, seul Pete Thomas, le batteur, a répondu présent. On retrouvera donc sur Mighty... la même abondance de personnel : les anciens musiciens de l'autre Elvis, James Burton à la guitare ou Jerry Scheff à la basse ; les pointures californiennes, Jim Keltner à la batterie ou Larry Knetchel au clavier ; et les piliers de la marge, Marc Ribot, le guitariste de Tom Waits ou les cuivres du Dirty Dozen Brass Band. Et puis un quintette à vent, un grand orchestre à cordes. Le tout coproduit par Mitchell Froom, généralement associé à ce que la côte Ouest des Etats-Unis compte de moins décervelé (Tom Petty et compagnie).
De quoi partir dans tous les sens, de la ballade exquise (After the Fall) à l'accès biliaire (How to be Dumb), de la pop électrique (Playboy to a Man, dernier reste, avec So Like Candy, de la collaboration Costello-McCartney) au lamento celtique (Broken, écrit par Cait O'Riordan, épouse de l'artiste, ex-bassiste des Pogues). En guise de fil conducteur musical, on doit se contenter de réminiscences lennoniennes, la voix paroxystique coincée dans une chambre d'écho (Hurry Down Doomsday), l'intro de Sweet Pear empruntée à Don't let me Down. On peut aussi retrouver au fil du disque tous les souvenirs des quinze ans de carrière d'Elvis Costello.
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